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Bilan escale en Nouvelle-Calédonie
Odyssée 26 mars 2019

Entretien avec Marco Simeoni

« Si on captait 100% des déchets plastique, il faudrait quatre unités de Biogreen »

Venu présenter le procédé permettant de transformer du plastique en électricité, Marco Simeoni assure que la Calédonie a le gisement suffisant pour alimenter de type d’unité, à raison de 200 kg à l’heure. Reste à revoir le système de collecte pour tenir le rythme.

En Nouvelle-Calédonie, on ne sait pas quoi faire du plastique, pourquoi est-ce si compliqué à recycler ?
On a 7 familles de plastique, du polyéthylène, du polypropylène, du polystyrène etc… Quand on veut recycler, il faut d’abord les séparer. Ensuite, comme les plastiques usagés sont souvent sales, on utilise une grande quantité d’eau douce pour les nettoyer. Après, il faut les réchauffer pour les réutiliser… Tout cela coûte cinq à six fois plus cher que d’utiliser la matière première, c’est- dire le pétrole. Les fabricants vont donc préférer produire du nouveau plastique. Il y a aussi des polluants qui ont parfois été intégrés dans ces plastiques, comme des retardateurs de flamme ou qui ont été en contact avec le plastique. 
Au final, c’est plus facile d’enfouir ou de jeter le plastique dans la nature.

Vous avez tenu une conférence sur l’économie des déchets plastiques, comment valoriser ce déchet ?
La politique de la Fondation c’est de recycler ce qui peut être recyclé et ce qui ne peut pas l’être, on le transforme en énergie.
Nous avons donc développé avec la société ETIA un système capable de transformer les plastiques sauvages en gaz synthétique par une réaction pyrolyse à haute température : 800 degrés. 
Ce gaz est ensuite filtré avant d’être transformée en électricité. C’est le procédé Biogreen. Par contre, la seule famille de plastique qu’on ne peut pas encore traiter c’est le PVC qui contient du chlorure et qui est extrêmement corrosif.

Ce procédé est-il transposable à la Calédonie ?
Tout à fait. C’est une unité qui sait traiter 200 kg de plastique à l’heure, ce qui correspond à peu près aux déchets plastique d’une population de 50000 à 100000 personnes.

Encore faut-il un système de collecte à la hauteur de ces volumes ? Certains industriels qui ont tenté le recyclage du plastique y ont laissé des plumes…
Il faudrait effectivement revoir le système ici avant de mettre en place un procédé de ce type. Je ne suis pas surpris que certains industriels se soient plaints du système de collecte du plastique qui est aujourd’hui encore mal géré. Ce qui est sûr, c’est que le gisement ici y est largement suffisant.

Concrètement, comment mettre en place cette unité ici ?
C’est une unité facilement transportable : il y a huit containeurs (quatre de 40 pieds, quatre de 20 pieds). Pour le montage et le démontage, c’est comme un jeu de Lego et c’est le but.
Pour accueillir l’unité et la préparation des stocks, il faut un terrain d’à peu près 1000 mètres carrés, dans un endroit stratégique et donc facilement accessible, j’insiste là-dessus.
Ensuite, il faut trouver un opérateur, généralement un fabricant d’électricité, parce qu’ils ont des ingénieurs qui ont l’habitude de travailler avec des générateurs. Et comme on produit de l’électricité, il faut pouvoir le brancher sur le réseau. Dans ce cas-là, ça peut être un partenariat public-privé, ou un entrepreneur social. Après, il faut prévoir deux personnes à plein-temps pour faire tourner l’unité, et comme elle tourne H24 , il faut prévoir un roulement de 6 personnes.

Et il faut le gisement…
Il faudrait une collaboration avec les collectivités pour obtenir le gisement nécessaire, soit 200 kg de plastique à l’heure. Aujourd’hui, une personne génère environ un kilo de déchets par jour, dont 10 à 15% de plastique. Sur 280000 habitants, le gisement se situe entre 4000 et 9000 tonnes par an. Or, une machine peut traiter jusqu’à 1500 tonnes par an. Si on arrivait à capter 100% du gisement, il faudrait quatre unités de Biogreen.

Pourquoi faut-il prioriser le recyclage ?
Si on le faisait de façon efficace, on utiliserait moins de matière première. 35% de la pollution mondiale de plastique sont des emballages dont la durée moyenne d’utilisation est de 20 minutes. On fabrique un million de bouteilles de plastique par minute. On est dans une aberration totale. 
En 2015, on s’est arrêté sur des îles qui se trouvent au centre de vortex de plastique. 
La conclusion de cette première odyssée est importante, elle a contribué à la stratégie et au développement de notre positionnement. Du plastique, il y en a partout. Il n’y a pas un seul endroit préservé. Nous n’avons pas à faire à des continents, mais à de la soupe de plastique, c’est-à-dire des microparticules qui viennent essentiellement des villes côtières. Si on veut pouvoir efficacement contribuer à la préservation des océans, il faut stopper cette hémorragie à l’origine et trouver une solution pour valoriser le déchet avant qu’il n’atteigne les voies d’eau. C’est un combat qui se passe à terre.

N’est-ce pas aux industriels et aux politiques de prendre leurs responsabilités ?
C’est à tout le monde de jouer le jeu. C’est un peu facile de mettre un produit sur le marché et de dire que c’est à la société civile de gérer la fin de vie du produit. 
Les politiques sont essentiels, parce qu’ils font les lois. Et le consommateur en changeant ses habitudes peut influer sur l’offre des industriels. C’est un travail transversal.

(source : Les Nouvelles Calédoniennes – Esther Cueno)

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