Bula!
Race for Water a fait escale à Nadi dans la marina de DENARAU du 21 décembre 2018 au 19 janvier 2019.
Comme toutes les îles du Pacifique, l’archipel des Fidji fait face aux nombreux défis du 21e siècle. En première ligne, la pollution plastique et le réchauffement climatique.
6 à 8% de croissance touristique annuelle depuis plusieurs années pour atteindre près de 850 000 touristes en 2017. Presqu’autant que la population locale qui, elle aussi, ne cesse de s’agrandir. L’industrie, quant à elle, est une des plus dynamiques de la Région Pacifique. Les Fidji sont en plein boom. Mais cette croissance peut se transformer en désastre si des infrastructures adaptées ne sont pas mises en place en parallèle.
Si l’on se concentre uniquement sur la gestion des déchets et la pollution plastique, le bilan de cette escale est clairement mitigé.
Bilan de l’escale par Camille ROLLIN, responsable projet ACT :
Les plages paradisiaques sont nombreuses, mais seules les plages privatisées par les resorts sont vierges de déchets. La plupart des plages publiques sont recouvertes de détritus laissés par la population locale par manque d’éducation certes, mais également par manque d’infrastructures. Les poubelles manquent ou ne sont pas ramassées suffisamment régulièrement, poussant la population à brûler ses déchets au fond du jardin ou en bord de route. Si la collecte est faite, la grande majorité des déchets terminent dans des décharges à ciel ouvert souvent situées non loin d’un cours d’eau ou de l’océan. Seule une des décharges présentes sur le territoire est aux normes. La décharge de Naboro est en effet équipée de bacs étanches et d’un système de récupération et traitement des lixiviats, ce liquide contaminé qui s’écoule des décharges et pollue les sols et les cours d’eau. Dans cette décharge sont enfouis les déchets d’un tiers de la population. C’est triste à voir quand on sait que plus de la moitié de ces déchets pourraient être compostés et un bon tiers recyclé ou transformé en énergie. Energie dont la moitié est encore produite par des génératrices diesel.
Il y a heureusement des signes positifs. En 2017, le gouvernement fidjien a introduit une taxe au sac plastique qui est aujourd’hui de 20 centimes par sac, réduisant nettement son usage. De plus, une loi a été votée pour les interdire à partir de 2020 et des réflexions sont en cours pour les autres plastiques à usage unique. En revanche, personne ne semble savoir si l’impôt sur les sacs a servi à investir dans des infrastructures de gestion des déchets. Le même flou existe sur l’utilisation du fond créé en 2016 suite à l’implantation d’une taxe de 6%, appelée ECAL et qui s’applique à tous les services liés au tourisme. L’idée est pourtant bonne puisqu’ECAL signifie « levier d’adaptation aux changements climatiques et environnementaux ».
Nous avons également rencontré plusieurs acteurs qui cherchent à faire changer les choses. Tout d’abord, le Marina du Port Denarau qui a accueilli notre navire pendant un mois. Cynthia Rasch, General Manager, se bat depuis des années pour préserver l’environnement si précieux de cette Marina nichée au cœur de la mangrove, sur la côte ouest de l’île principale de Viti Levu. Ici, fait rare, chaque bateau doit trier ses déchets. Il y a maintenant plus de dix ans, Cynthia a réussi à convaincre un entrepreneur local, Steven Buksh, de se lancer dans la collecte et le tri des déchets pour en faire un business. Honeydew Farm collecte désormais les déchets du port mais également ceux de tous les hôtels de la presqu’île de Denarau, ainsi que l’aéroport de Nadi (unique aéroport international fidjien) et d’autres clients de la région. Les déchets qu’il collecte sont nombreux ; mais pour grand nombre de déchets recyclables, les débouchés manquent cruellement. Seule une petite partie du papier est recyclé localement, le reste est envoyé à l’étranger. Côté plastique, seules quelques marques de boissons acceptent de racheter les bouteilles collectées. Pour l’instant, Honeydew Farm stocke les bouteilles invendues et le reste des déchets plastiques part en décharge.
Plus au Sud, proche de la capitale de Suva, d’autres industriels cherchent à booster le recyclage sur l’île. C’est le cas de Paul Thomson Evers, qui gère pourtant la décharge de Naboro dont le revenu dépend du nombre de tonnes qui y sont déversées chaque jour. Il reçoit aujourd’hui près de 9000 tonnes par mois, mais il sait que la durée de vie de sa décharge pourrait être largement doublée si un tri était réalisé en amont. Avec un autre industriel du coin, Warwick Pleass, qui détient notamment deux marques d’eau en bouteille fidjienne, ils cherchent à créer, dans la zone de la décharge une véritable cité dédiée au tri et au recyclage. Warwrick pousse aussi pour que la consigne sur les bouteilles en PET soit obligatoire. Il est convaincu qu’en plus des bénéfices que cela aurait pour l’environnement, l’industrie pourrait en tirer un rendement économique. Le secteur de l’eau en bouteille est très important au Fidji avec plusieurs marques qui sont exportées à l’international. Si les entreprises étaient incitées à récupérer et recycler leurs bouteilles, les quantités permettraient certainement d’en faire un marché local.
Pour le reste du plastique cependant les solutions sont plus complexes. L’isolement, les volumes trop faibles pour garantir un rendement économique à une filière locale, le manque d’équipements pour obtenir une matière propre et trié par type de plastiques qui permettrait de trouver des débouchés à l’étranger, sont autant de frein au recyclage du plastique sur la plupart des îles.
En attendant, des montagnes s’accumulent. La solution de valorisation énergétique que Race for Water propose, répond aux contraintes inhérentes aux îles. Les plastiques non recyclables sur l’archipel pourraient ainsi être utilisés comme ressource locale pour produire de l’électricité rendant viable la gestion de ces déchets et impulsant la mise en place d’une collecte sélective. Autant de plastiques qui seraient pris en main et qui ne termineraient pas dans nos océans.
Le Ministre de la Pêche, Semi Koroilavesau, très présent à nos côtés, nous a promis la mise en place d’une task force afin d’agir contre la pollution plastique marine qui impacte directement les poissons, principale ressource alimentaire des fidjiens.
Les écosystèmes insulaires sont extrêmement précieux et fragiles. Tout déséquilibre peut avoir des répercussions graves très rapidement. Mais les efforts réalisés peuvent également être récompensés tout aussi vite. Nous avons semé des graines et espérons qu’elles germeront et permettront la mise en place de solutions concrètes pour préserver cet archipel magnifique du Pacifique.
Tout savoir sur notre escale aux Fidji au travers d’une courte vidéo signée Peter Charaf :
Merci à nos partenaires locaux pour leur soutien :