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Odyssée 20 décembre 2018

Tonga : Petit Royaume et Grand plastique

Race for Water a passé huit jours aux Tonga du 7 au 15 décembre 2018. Anne-Laure Le Duff, second capitaine partage avec nous le bilan de cette escale.

Voilà un pays avec une histoire singulière. Au début il y avait des îles où chaque communauté avait avec ses voisines des relations tantôt pacifiques tantôt guerrières. En 1773 un certain James Cook jeta l’ancre dans un des archipels, l’accueil fut tellement amical et bienveillant, bien que meurtrier !, il le nomma  « l’Ile des Amis ». En 1845 le Roi Georges Tupou I réussit à unir 170 îles et îlots répartis sur trois archipels aux sonorités rondes et chaleureuses Ha’apai, Vava’u et Tongatapu en un royaume. Les britanniques furent de la partie et les Tonga eurent leur indépendance en 1970. En 2010, les tongiens inscrivirent une nouvelle ligne dans leur Histoire, ils instauraient une monarchie constitutionnelle. Le peuple reste profondément attaché à la famille royale, il suffit de voir l’émule qu’a causé la venue de la Princesse Salote Mafileo Pilolevu Tuita  et de sa fille Frederica Fatafehi  Ó Lapaha Tuita Filipe lors de la cérémonie d’accueil de Race For Water. La société tongienne est empreinte de traditions séculaires régissant la communauté et la hiérarchie est fortement respectée tant dans le cercle familiale qu’institutionnel.  

Ici, comme ailleurs, le mode de vie a brutalement changé et l’occidentalisation n’a pas amené que le meilleur du progrès. La population devient « accro » aux produits d’importation et les carcasses de voitures japonaises s’entassent. Sur l’île de Tongatapu, seuls les métaux sont recyclés par GIO l’unique compagnie permanente de recyclage du royaume, la décharge Tapuhia recueille quant à elle tous les déchets industriels solides et ménagers. L’enfouissement est de mise et plus de la moitié du volume de la décharge est occupé par… le plastique. 

Une fois encore l’absence de valeur marchande de ce matériau creuse le déficit écologique. Rendant la relation homme-plastique unilatérale : pas de recyclage, pas de compacteur pour entreposer, pas d’exportation, pas de seconde de vie pour ces milliers d’objets du quotidien.
Pourtant l’organisation du ramassage des déchets est en place et d’autres solutions ont été envisagées comme pour l’aluminium des canettes : les villages et les communautés ont fait appel à des groupes de femmes qui sont en charge de le trier et redistribuent ensuite l’argent gagné à leur communauté respective. Depuis peu la facturation du service de voierie est incluse dans celle de l’électricité, la volonté citoyenne est là mais les infrastructures de recyclage et de valorisation du PET et confrères manquent à l’appel. En 2013 Waste Authority Ltd met en place une taxe, à charge de l’importateur, à hauteur de 10% de la valeur douanière sur l’importation de plastique, un premier pas.

Une des principales approches gouvernementales est éducative, Mme Ta’hiri F. Hokafonu est formelle « L’éducation est la clé ». A la tête du Département de la Biodiversité, de l’intégration de l’océan et du management des écosystèmes, elle ne connait que trop bien le problème écologique que pose le plastique et son absence de traitement. Les initiatives gouvernementales et citoyennes sont efficaces et diversifiées, elles sont supportées par des organisations non gouvernementales et des compagnies privées. Cela va de la diffusion de programmes d’éducation et de sensibilisation à l’environnement sur l’ensemble des supports audiovisuels, l’apprentissage du compostage, des panneaux le long des routes interdisant de jeter les déchets, le « Citizen Programm » : un ramassage de déchets dans les aires marines protégées fait par les collégiens et les écoliers sur la base de « Learn (typologie des déchets), Share (prise de conscience) and Act (ramasser) », un « National Clean Up » est fait 3 fois par an par les équipes communales, 4 fois l’an un « Clean Up Competition » est organisé pour les différentes communautés de l’île et un « Costal Clean Up » annuel regroupant 27 villages. Lors de ce dernier sur 280 Tonnes de déchets ramassés, plus de la moitié sont recyclables. Lors des visites à bord, un certain nombre de personnes furent surprises d’apprendre que le plastique se fragmentait en microparticules puis en nanoparticules pour finir leur course soit au fond des océans, sur les plages ou dans leur assiette rendant impossible le nettoyage des océans mais impératif le changement de comportement à terre.

Les Tonga, comme une vingtaine d’autres états du Pacifique, bénéficie du soutien et de l’aide du principal acteur environnemental « le Secretariat of the Pacific Regional Environment Programme » (SPREP), lui même travaillant conjointement avec l’International Union for the Conservation of Nature (UICN) afin d’apporter une aide technique et décisionnelle pour la gestion de la biodiversité et la transition énergétique au Tonga.

De multiples fonds internationaux sont alloués au financement d’implantation de site éolien, solaire et de stockage (batteries). Le projet est ambitieux, d’ici à 2020 le royaume vise 50% d’énergies renouvelables et 100% d’ici 2035 en intégrant le Waste To Energy. Nous avons pu visiter la ferme solaire Maama Mai, 5 750 panneaux solaires jouxtant 8 génératrices diesel. 80% de l’énergie totale produite est consommée par les commerces, qui eux-mêmes représentent 20% des consommateurs… La compagnie Tonga Power Ltd doit relever un défi de taille, trouver les technologies adaptées aux besoins des archipels (population et entreprises), trouver les sites d’implantation pour les 3 sites éoliens et les 2 sites de stockage énergétique. L’utilisation de la biomasse, incluant les déchets, est indissociable de leur projet. En effet le Waste to Energy représenterait une production d’électricité stable, l’éolien et le solaire serviraient d’énergie « tampon ». Le temps presse et la production actuelle suffit tout juste à combler la demande. Pendant ce temps, la décharge se remplit et d’ici 5 ans sa capacité maximale sera atteinte. 

En attendant la créativité fait son œuvre, dans toute l’île des pneus transformés en pot de fleurs jonchent les abords des maisons, les bouteilles en plastiques font d’originales jardinières. Ce royaume à la biodiversité flamboyante, riche de plus de 170 espèces marines, possédant des espèces endémiques d’oiseaux doit, comme tant d’autres, faire face au changement climatique et à un changement sociétal qui s’opère à la vitesse de la lumière. Les volontés sont là mais les financements et les projets aboutis ou en cours d’aboutissement sont trop peu nombreux au vue des impératifs écologiques et économiques de ce petit pays. Le gouvernement joue un rôle central et ce n’est pas le seul, la population doit agir et s’approprier ces enjeux. Une des quatre valeurs tongiennes est « Tauhi vaha’a » ce qui signifie loyauté et engagement, nous pouvons aisément les transposer dans la situation actuelle et la faire nôtre, loyauté envers une nature nourricière et engagement pour un futur plus respectueux du Vivant. » 

Alu a Tonga  
Au revoir Tonga

Anne-Laure Le Duff

Retour en vidéo sur cette semaine d’escale aux Tonga :

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