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Fondation 16 août 2017

Quand le nom de la Fondation Race for Water prend tout son sens !

Race for Water, le nom de la fondation et notre leitmotiv, n’a jamais aussi bien sonné qu’à Cuba. La course pour l’eau ; l’équipage l’a faite, au quotidien, comme deux millions de havanais. Il a vécu de près la difficulté d’approvisionnement et la pollution de ce bien précieux et vital.

Depuis le début de l’Odyssée, l’équipage n’avait pas rencontré de problème pour obtenir de l’eau douce et potable, tant en mer qu’à terre. A Madère, le tank a été rempli d’eau potable avant le départ pour la transatlantique, et le dessalinisateur a fait le complément en navigation. Aux Bermudes, nous n’avions qu’à dérouler le tuyau entre le quai et le bateau pour voir couler le précieux liquide à tous les robinets du bord.
Mais à La Havane, le bateau et son équipage ont vécu tout autre chose…

Pour rallier Cuba il nous aura fallu 13 jours de mer, au cours desquels nous avons croisé peu de déchets plastiques. Un assemblage de bouteilles d’eau a tout de même été récupéré dans le Triangle des Bermudes, et puis plus rien ! Mais dès lors que nous nous approchions de Cuba et de ses côtes, la donne a changé du tout au tout. Des bouteilles, des flacons de liquide vaisselle, des sandales, des bidons, des sacs en plastique, des débris non identifiables sont apparus, une escorte à la hauteur de notre but : la préservation des océans.

L’arrivée face à la citadelle, l’entrée dans le goulet de La Havane, l’amarrage au port de commerce. L’équipage est heureux de toucher terre, l’heure est aux retrouvailles avec le reste de l’équipe. Mais dès le lendemain, le constat est sans appel. L’eau claire de la Mer des Bahamas est un lointain souvenir. Les flotteurs baignent dans une eau épaisse, chargée d’hydrocarbures, d’huiles et de déchets plastiques en tout genre et en grand nombre. L’odeur est nauséabonde et le bleu a laissé la place à une palette de couleurs allant du verdâtre au marron foncé. Nous constatons, avec stupeur, qu’il aura suffi de moins de 24h pour que la ligne de flottaison et les défenses soient « tatouées » d’un liseré marron.

Dans le même temps, la course pour l’eau avait déjà commencé. Le port ne possédant aucune infrastructure pour l’approvisionnement, il faut réserver une barge. Premier point épineux : l’eau fournie n’est pas potable. Nous pouvons tout de même remplir le tank de 500L pour les sanitaires et les machines. Deuxième point très épineux : nous allons devoir acheter des bouteilles en plastique pour la consommation du bord et des invités… L’équipe est consternée, nous qui luttons contre cette pollution nous voilà en train de charger, à contrecœur, des bidons et des packs d’eau… (La bière et le rhum sont des options mais non viables à moyen terme!)

Au cours des trois semaines d’escale, le bateau est amené à bouger régulièrement entre le port et un mouillage dans la baie. Information importante : le dessalinisateur est inutilisable (l’eau est trop sale) et le ravitaillement par la barge ne peut se faire qu’à quai. Le tank de 500L ne pouvant suffire à alimenter sur plusieurs jours les besoins du bord, nous devons remplir tous les seaux et bassines disponibles lors de chaque passage de la barge. La consommation est limitée au strict minimum. Les douches se font « à l’indienne », c’est à dire à l’aide d’une écope et d’un seau. Le lave-linge ne marchera qu’au moment du ravitaillement par la barge et l’utilisation du lave-vaisselle sera optimisée au maximum. Toutes les personnes vivant à bord sont concernées, aucune exception n’est faite et tout le monde joue le jeu. Nous profitons même d’un orage pour laver « à grandes eaux » les panneaux solaires et les flotteurs.

Mais qui dit orage tropical, dit torrents dans les rues de La Havane, emportant avec eux les reliefs de la surconsommation touristique et locale directement dans la baie. Il n’aura pas fallu attendre plus d’une demi-heure pour voir un cortège de bouteilles en plastiques, sandales et autres venir entourer notre bateau alors au mouillage. La preuve par A plus B que les usines de recyclage ne sont pas assez nombreuses.

Le lendemain de notre arrivée, une conférence est organisée à bord du bateau. Les officiels cubains, les ambassadeurs suisse, français, allemand, panaméen, et argentin, ainsi que la presse locale et internationale sont conviés. L’équipe présente la fondation, les énergies renouvelables embarquées ainsi que la machine Etia (recyclage des déchets plastiques en SynGaz). Au cours de cette soirée, nous prenons conscience de l’ampleur du travail à effectuer pour l’amélioration des conditions de vie et environnementales de l’île, mais aussi de l’énergie et de la volonté de la population pour y parvenir. Les cubains ont parfaitement conscience de la pollution, ainsi que des enjeux environnementaux et sanitaires qui en découlent.

Dès 1980, des études ont été menées pour l’installation d’usines de traitement des eaux usées en amont de la baie de La Havane. Hélas, le manque de financement a eu raison de ces projets. L’état n’a pas les fonds nécessaires pour les mener à bien, la plupart sont donc abandonnés. Un des plus importants et emblématiques projets : le déplacement de la raffinerie de pétrole hors de la baie (coût 1,5 milliard). Malheureusement rendre cet espace vivable, avec des plages, des zones de baignades et des écoles de voile, est une ambition dont ils n’ont pas encore les moyens. Néanmoins une poignée de projets voient le jour grâce aux dons d’organismes espagnols. « C’est le problème des pays en voie de développement, nous avons besoin de moderniser nos infrastructures mais il manque le financement » nous lance un de nos invités. Dans la rue, la réalité est frappante. Les coupures d’eau sont quasi quotidiennes. Certains quartiers sont sans eau courante depuis plus de deux mois. L’eau est acheminée par des camions citernes livrant immeubles, hôtels, restaurants et privilégiant la vieille ville de La Havane, très touristique, au détriment des quartiers populaires. A l’orée de la vieille Havane, dans une petite rue au revêtement défoncé, 7 tuyaux sortent de terre. Notre guide, Michel, précise : « C’est ici que les camions citernes remplissent leurs cuves. » Cela paraît dérisoire…

Mais il en faut plus pour décourager ce peuple courageux et naturellement optimiste. Les idées et les actions ne manquent pas. Pour preuve l’Association très active Acualina et sa présidente Angela Corvea Martinez. Elle œuvre pour la sensibilisation de la population, et plus particulièrement celle des enfants, sur les sujets tels que la biodiversité, le changement climatique, les ressources naturelles et la contamination de l’eau. Avec l’aide de ses bénévoles, elle parcourt l’île, multiplie les actions : ramassage de plage, valorisation des déchets, plantation d’arbres. Elle interpelle également sur l’action individuelle, sur la coopération et sur un mode de consommation raisonnée. Nous avons eu le plaisir de les recevoir à bord. Cette visite restera dans les annales de l’Odyssée tant elle nous a ému et qu’elle a été source d’espoir.

Car de l’espoir il en faut. Le tourisme de masse arrive et avec lui une armée de pollutions diverses et variées venant aggraver une situation déjà critique en raison d’un manque cruel d’éducation. Certaines plages portent déjà les stigmates : des paysages paradisiaques en plan large, des bouteilles, des sacs en plastiques flottant entre deux eaux en plan serré. Est-ce le prix de l’ouverture ? J’ose espérer que non, les cubains en ont conscience mais ils ont d’autres urgences, vivre décemment pour commencer. Une sorte de grand écart entre le désir de vivre dans l’air du temps et une réalité, la leur, qui est loin d’être simple.

Mais les cubains sont combatifs, ils aiment leur île, leur culture hétéroclite. Ils doivent inverser la tendance, trouver le chemin du tourisme responsable et d’une économie équilibrée.

A l’heure où je vous parle, un à deux paquebots de croisière accostent tous les jours au port de La Havane déversant des milliers de touristes. La question est la suivante : La pollution est un problème mondial, ne devrions-nous pas endosser notre responsabilité de citoyen du monde et changer, entre autres, notre façon de voyager ? L’anticipation, maître mot en mer, est de mettre tous les moyens possibles pour limiter l’impact de nos sociétés sur-consommatrices et d’œuvrer pour la préservation de notre Planeta Azul et de ses Habitants.

Annelore (second capitaine)

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