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ZOOM SUR LE JOURNAL DE BORD D’ERIC LOIZEAU

ZOOM SUR LE JOURNAL DE BORD D’ERIC LOIZEAU

Du 2 au 4 juin 2025, Race for Water a poursuivi sa campagne méditerranéenne en réalisant une deuxième escale à Nice avec son navire révolutionnaire, le MODX 70 dans le cadre de la 3e Conférence des Nations Unies sur l’Océan (UNOC). Durant cette escale et jusqu’à la fin de la Mission Posidonie, Eric Loizeau, fidèle ambassadeur de la Fondation Race for Water a rejoint le navire et pris sa plus belle plume pour raconter, à sa manière, les moments forts de son passage à bord.

LUNDI 2 JUIN

l CONFÉRENCE “LES HERBIERS : UN TRÉSOR POUR L’OCÉAN ET LE CLIMAT”

Une superbe salle de conférence toute habillée de bleu, agrémentée de chants de baleines et quelques manchots juchés sur des icebergs antarctiques, nous accueille pour la première conférence de Race For Water concernant notre mission Posidonie. C’est l’espace de la Baleine, bien agréable et rafraîchissant dans la chaleur niçoise, mais qui ne nous console guère du peu de spectateurs présents. 

Et c’est bien dommage, car l’exposé de Patrick Astruck ingénieur de recherche en écologie marine au GIS est passionnant et explique avec clarté tout l’intérêt de la Posidonie et la nécessité de la protéger. Nous aurons l’occasion d’en reparler puisque dans quelques jours nous allons repartir avec son équipe de plongeurs pour une nouvelle mission de prospection et vérification. 

Ce vide quasi-sidéral est à peine surprenant. Nous sommes début juin à Nice, un lundi entre midi et deux, heure de l’apéro au soleil bien présent ! Il aurait mieux fallu un temps breton avec brouillard et crachin, mais bon, cela n’existe pas en Méditerranée. 

Patrick explique son travail au sein du GIS, d’évaluation de tous les écosystèmes côtiers et plus particulièrement celui des herbiers marins de la Posidonie. PowerPoint à l’appui, il explique en quoi consiste la Posidonie, raconte son rôle prépondérant pour le climat, la situation de ces herbiers et leur mission de repérage en Méditerranée associée à la fondation Race For Water. Il énumère surtout les différents facteurs susceptibles de détruire ces champs d’herbiers, soit le réchauffement climatique, les chalutages illicites ou non, le nettoyage inutile des plages, les mouillages des bateaux de plaisance. Malheureusement, son exposé ne se conclut pas d’une manière très optimiste puisqu’il annonce que les herbiers ont tendance à régresser depuis une quarantaine d’années et la mise en place des balises de repérage qu’ils essayent de retrouver aujourd’hui.  

Camille (ma patronne) enchaîne sur une présentation de la fondation Race For Water, de ses navires et des différentes actions menées contre la pollution des océans depuis 2015, avec deux Odyssées aventureuses et magnifiques tracées à travers sur toutes les mers de la planète, périples que vous pouvez retrouver, à peine romancés, dans le livre essentiel Race For Water l’Odyssée du Plastique !! En conclusion et avant des échanges avec le public, Camille rappelle que le nouveau bateau de la Fondation le MODX70 est visible et visitable au quai d’honneur, en compagnie des autres bateaux ambassadeurs pour la protection des océans.

MARDI 3 JUIN

8h00 locales : Branle-bas de combat sur le MODX 70 de Race For Water avant d’accueillir à bord le premier groupe des enfants des écoles : Elsa range ses outils côté cuisine. Le Capitaine arrose le pont et aussi les plantes, arborant un magnifique tuyau jaune canari qui lui va à ravir. Émilie aspire dans tous les coins. Chloé vérifie ses appareils. Marco travaille ! Greg revient transpirant de son sport. Patrick observe sa Posidonie et Camille (ma patronne) supervise.  

Comme vous le voyez, tout le monde est bien occupé de telle sorte qu’à 8 h 30 tout est prêt pour commencer.   

l ACCUEIL DES GROUPES DE SCOLAIRES

Camille accueille la première école. 24 gamins émerveillés de pouvoir visiter un tel navire qui s’agglutinent pour passer un par un sur l’étroite passerelle accédant au pont principal. La suite se déroule d’une manière bien rodée :  

Présentation de l’histoire de la Fondation et de nos trois Odyssées illustrée par le merveilleux documentaire réalisé avec brio par mon ancien complice Peter Charaf lui-même. Les enfants applaudissent. 

Explication, toujours par Camille (ma patronne toujours aussi brillante), de notre collaboration avec le GIS Posidonie sur l’évolution des herbiers marins en Méditerranée. Propos illuminés par l’excellent documentaire de Chloé, notre vidéo-woman attitrée.. Concert d’applaudissements. Patrick, notre scientifique plongeur, intervient ensuite pour expliquer la Posidonie et donner des détails sur la méthodologie appliquée à partir de notre bateau dans la quête des balises immergées en l’an 1980 après JC. 

Vient ensuite la partie Fresque Océane organisée par un animateur volubile qui challenge les enfants sur leurs connaissances grâce à un jeu de figurines (en carton et papier) explicatives sur l’environnement. Je suis surpris par l’érudition de ces jeunes (classe de CM2, entre 9 et 10 ans) qui dépasse souvent celle des adultes. 

l VISITE DU NAVIRE

La session s’achève par la visite du bateau orchestrée avec humour par notre capitaine à-la-barbe-soignée-juste-comme-il-faut, ou par Émilie sa délicieuse blonde seconde (ça rime.). 

L’ensemble est convaincant et a duré presque 1 h 30 devant un jeune auditoire captivé qui en a oublié pour un moment le monde des écrans pour s’immerger dans celui du Grand Bleu. 

Dans la journée, nous organisons cinq autres sessions, de nouveau avec des écoliers, dont une classe de jeunes malentendants trop émouvants (le monde est vraiment inégal.) et d’autres pour des adultes plus ou moins passionnés par l’environnement, tous émerveillés par la visite de notre fabuleux et unique bateau.

l SOIRÉE AVEC L’ÉQUIPE

Ce soir, on est invité par Marco, notre commodore, au restaurant pour déguster une pizza… Je ne suis pas sûr que ce sera aussi bon que les repas concoctés régulièrement Elsa, mais nous ferons avec. Du coup, je m’en vais enfiler ma chemise mythique (les happy few de Race For Water comprendront…).

MERCREDI 4 JUIN

l LE GRAND DÉPART POUR LA REPRISE DE LA MISSION SCIENTIFIQUE 

Enfin, nous allons retrouver la mer et le large ! Enfin pas trop large tout de même puisqu’il s’agit simplement de rejoindre le mouillage de Villefranche sur mer situé à moins de 5 milles de notre emplacement à quai à l’UNOC3… Nous embarquons les copains plongeurs de Patrick et leur impressionnant matériel. Après une dernière session de visiteurs passionnés, nous débarquons le Commodore et ma patronne, qui va beaucoup me manquer, vous vous en doutez bien. Bref en comptant l’ingénieur lorsqu’il ne fait pas son sport, nous serons 9 à bord, un équipage mixte fort bien équilibré, particulièrement pour le jeu des glaçons, mais ceci est une autre histoire. 

11h30 : Le Capitaine a la bonté de me laisser la barre pour extraire le bateau du port. Quelle magie de glisser en silence entre les mouillages avec une délicatesse de libellule sous les regards admirateurs du public venu nombreux ce matin provençal. Matin provençal qui s’associe rapidement à un crachin du Finistère qui ne dérange pas nos marins et leur rappelle leur lointaine Bretagne. 

l LES PLONGÉES D’INVESTIGATIONS

Une petite heure se passe et nous arrivons sur le site de la première plongée de repérage en rade du délicieux port de Villefranche-sur-Mer à ne pas confondre avec Villefranche-sur-Saône située bien plus au nord. C’est un abri naturel, une anse fermée qui attire de nombreux bateaux au mouillage, yachts de luxe pour la plupart, au milieu desquels notre MODX 70 parait presque un Lilliputien. 

Patrick m’explique que les balises ont été placées, il y a une quarantaine d’années à une époque où la baie était vide de tout navire. Il s’inquiète pour sa recherche de balises qui doivent se trouver aujourd’hui perdues au milieu des ancres et des chaînes.  Mais il n’aura pas l’occasion de le vérifier car une nouvelle personne des Affaires Maritimes, à l’accent délicieusement étranger, nous annonce que nous nous trouvons sur une zone interdite à la plongée pour des raisons archéologiques. Nos plongeurs rebouchent donc leurs bouteilles et peuvent poursuivre leur sieste.  

Nous reprenons notre route cahin-caha vers le large. Notre ingénieur nous supplie afin que nous déployions nos ailes ; en réalité, en plus de faire du sport, il est venu exprès pour ça. Vite fait, la manœuvre se déroule parfaitement avec un gonflage express. Je suis conquis. Le silence de nos moteurs électriques est remplacé par un doux ramage qui se rapporte à notre plumage (La Fontaine avait écrit un truc du genre, me semble-t-il).  Blague à part, la sensation est formidable. Accélération sublime dès que le volet de notre aile d’avion fonctionne, le bateau devient agréable à la barre carbone, l’eau défile le long des étraves racées. Le bonheur parfait ! 

Ce soir, notre vaillant Capitaine nous trouve un mouillage tranquille en rade de Sainte Hospice, ainsi nous voilà protégés de tous les maux possibles et imaginables, sans bateaux de milliardaires autour de nous, mais juste un catamaran de croisière qui fait bien désuet dans le paysage. 

La vie est belle à bord de ce Ganany au nom bizarre, souvenir de notre petite tortue sauvée des eaux lors de notre escale pacifique. 

JEUDI 5 JUIN

l L’ÉQUIPAGE REPART EN MER

Allez les bleus ! Belle journée de travail qui commence par un transfert potron-minet sur notre lieu de plonger devant le village haut perché d’Eze. Conditions idéales pour nos plongeurs, mer calme et vent léger qui nous permettent de les mettre à l’eau dans les temps, à la lisière d’une Posidonie qui s’avérera complètement dévastée par les chaînes de mouillage des nombreux bateaux de plaisance de passage depuis des lustres dans cette baie magnifique. Patrick et Margot refont surface au bout de 45 minutes passées par trente mètres de fond à rechercher des balises à moitié enfouies dans la vase et les restes de l’herbier. Se désolant d’en avoir repéré uniquement deux sur un total présumé de douze, ils décident de remettre le couvert en début d’après-midi après avoir respecté les trois heures réglementaires et obligatoires entre deux plongées. 

l DEJEUNER A BORD DU NAVIRE

À propos de couvert, il va être temps de déjeuner. En attendant que notre cuisinière hispanique achève son ouvrage, notre capitaine et notre ingénieur déploient nos ailes si gracieuses dans ce vent léger, afin que nous tirons des bords d’attente autour d’un yacht de probable milliardaire haut de quatre étages (le yacht) avec ascenseur, doté d’une piscine transparente et d’une étrave acérée comme un couteau suisse, cela étant confirmé par notre Helvète du bord. Devinez qui ? 

Le soleil s’est enfin levé haut et bien chaud ; notre escadrille de panneaux solaires se met au travail, recharge nos batteries, nous donnant l’espoir d’assez d’énergie pour regarder ce soir le match des Bleus sur l’écran géant du bord. 

l REPRISE DES PLONGÉES POUR RETROUVER LES BALISES

Pendant ce temps, nos plongeurs ont rechargé leurs bouteilles et aussi rempli leur estomac. Ils replongent dans le Grand Bleu pour une nouvelle session de recherche de balises qui ne se montrera pas plus brillante que la précédente. Patrick ressort de l’eau, barbotant comme un phoque dans sa combinaison tigrée et nous avoue désespéré qu’à cet endroit la Posidonie a également bien reculé. 

La prospection est finie pour aujourd’hui. Toutes les ailes sont déployées, nous volons tel un albatros géant vers notre prochain site de recherche, cap à l’ouest du côté d’Antibes, où notre fier capitaine nous promet de trouver un mouillage heureux. En fin d’après-midi, lorsqu’enfin, nous arrivons, le ciel se couvre ! Pluie du soir, espoir disent les Bretons !  

Il fera donc beau demain pour de nouvelles aventures ! Bonsoir ! 

VENDREDI 6 JUIN

l BONNES NOUVELLES POUR ANTIBES

Nous quittons notre mouillage d’Antibes qui s’est bien encombré ce matin de nombreux paquebots de plaisance arrivés pendant la nuit. Nous glissons en silence sur une mer lacustre plate comme le dos d’une limande. Nous contournons la pointe Bacon, décidément les Anglais sont partout, pour pénétrer une anse tranquille où nous déposons nos deux plongeurs. Après avoir baguenaudé une petite heure dans les profondeurs, ils remontent prendre l’air plutôt souriant à travers leurs masques en caoutchouc. Malgré la vase ambiante et l’eau pas si claire que ça, non seulement, ils ont retrouvé presque toutes les balises perdues, mais surtout, ils annoncent un herbier en progression. 

Le baume au cœur, nous reprenons la mer après les avoir essorées et séchées. La baie entre temps, s’est couverte d’une myriade de voiles basanées dressées sur de sveltes embarcations élancées, en bois verni, menées par des équipages bronzés, des locaux sûrement, habillés tout de blanc et parfois casquettés de frais. 

Nous nous trouvons au milieu d’une régate de voiles classiques et tous les regards se tournent vers notre catamaran futuriste avec ses deux ailes d’avion qui captent gracieusement le faible zéphyr du midi, embarcation qui pourrait paraître iconoclaste dans cette délicieuse gravure d’autrefois.

SAMEDI 7 JUIN

l LA DERNIÈRE SESSION DE PLONGÉES 

Dernier round pour nos plongeurs. La météo est toujours aussi imperturbable et figée dans un soleil sans vent. Tant mieux pour nos scaphandriers. Nous longeons l’île St Honorat sans omettre une génuflexion devant l’abbaye éponyme célèbre pour sa liqueur aux fleurs de thym. Arrivés sur le point de largage, Thomas leur aide de camp lance à la mer une sorte de dévidoir jaune canari curieusement appelé Galito pour sa ressemblance avec un gâteau aux citrons et qui sert en quelque sorte de fil d’Ariane afin que nos nageurs s’y retrouvent. Pendant ce temps, ils s’équipent et cela prend du temps. Surtout pour Margotte, notre Caldoche, qui enfile couches après couches sans oublier une paire de chaussettes en laine et une jupette en mérinos, car habituée aux eaux brûlantes de son pays lointain, elle avoue peler de froid dans nos eaux occidentales. Et que dirait-t-elle si elle osait venir pratiquer son métier dans notre chère Bretagne ? 

Curieusement, le point de chute de cette dernière session se situe juste à l’entrée du port de Cannes, célèbre pour sa croisette, ses marches et son festival, mais aussi pour la prolifération de vedettes, cette fois-ci à moteur. De telle manière que nous sommes entourés de marins du dimanche, alors que nous ne sommes que samedi, qui en dépit de toute réglementation font rugir leurs moteurs et foncent autour de nous ! 

Nos plongeurs se sont munis de bouchons en cire pour se prémunir de la nuisance sonore causée par ces inconvénients. Mais qu’en est-il des autres mammifères marins ? On s’étonne ensuite que les orques déconcertées s’attaquent aux gouvernails des plaisanciers dans le détroit de Gibraltar ! Après un dernier palier, nos amis du Grand Bleu remontent sains et saufs toujours dépités par la décomposition de leur chère Posidonie. 

l LE BILAN GÉNÉRAL DE CETTE MISSION

Patrick l’avouera plus tard une fois à bord que le bilan global de cette double mission méditerranéenne organisée avec Race For Water n’est pas positif du tout. Les herbiers reculent sur pratiquement tous les sites visités. « Cette régression apparaît déjà, il y a une vingtaine d’années » m’explique t-il « des sites qui paraissent stables à cette époque sont vraiment en recul aujourd’hui ». Pour quelles raisons s’interroge-t-il. Il y a bien sûr les ancrages sauvages des gros bateaux de plaisance dans des zones protégées, souvent par ignorance des enjeux de la protection des herbiers. Ce qui nécessite un gros travail de sensibilisation à tous les niveaux, particulièrement pour des gens qui sont censés être éduqués et responsables ! « Il y aussi l’impact de la pollution de l’eau, celui de la pêche et du réchauffement climatique global qui augmente la température de l’eau, mais in fine, c’est la prolifération des gros bateaux de loisirs qui est le principal responsable », conclut-il en observant d’un regard torve deux nouveaux motor-boats géants qui nous doublent en ricanant. 

La mission s’achève dans le port de Cannes où nous débarquons nos camarades et leur imposant matériel avant de reprendre la mer vers de nouvelles aventures, précisément à Nice où nous attend la flotte des « merveilles de l’Océan », pour la fameuse parade de l’UNOC3 !

DIMANCHE 8 JUIN

l LA GRANDE PARADE SUR MER 

Belle parade en baie de Nice ! 

Au début, cela ressemblait plus à une salade niçoise qu’à une parade, avec tous les bateaux éparpillés au large, loin de la célèbre promenade du front de mer et ses Anglais. 

À bord du MODX70 de Race For Water, grâce à la clairvoyance de son capitaine et la précision de son horloge suisse, nous nous situons à 13 heures 30 bien pétantes seuls au milieu du vaste plan d’eau, agité par un bon vent d’Est qui a réussi à chasser les nuages du matin. Un peu déprimés et presque la larme à l’œil pour avoir débarqué hier nos plongeurs, clôturant ainsi notre mission scientifique concernant les herbiers de Posidonie. 

Bravant la consigne obligeant à ne pas utiliser les voiles pour marcher au moteur – surprenant pour une organisation qui se veut responsable – nous érigeons fièrement dans le ciel d’azur nos ailes aériennes, rapidement imités par une partie dissidente de la flotte. 

Un petit tour et puis s’en vont ! On pourra regretter que ce défilé de bateaux magnifiques et inspirants se soit déroulé presque en catimini, hors de portée de spectateurs, même ceux dotés d’une bonne vue ! Mais visiblement, il ne fallait prendre aucun risque avec ce ballet nautique qui aurait pu s’avérer dangereux ! Et puis il est toujours possible d’admirer ces bateaux sagement amarrés au port tout en dégustant une glace au citron.

Quant à nous, tournant le dos bravement aux festivités portuaires, nous prenons dignement le large, en route vers de nouvelles trépidantes aventures, au service de la planète et de ses océans.

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