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Vol de nuit vers une île perdue du Pacifique Sud : Suwarrow
Entre Tahiti et Samoa
Odyssée 18 novembre 2018

Carnets de bord #2 et #3

Eric Loizeau, ambassadeur de la Fondation, mais aussi montagnard et marin de grands talents, est embarqué à bord de Race for Water pendant 6 semaines. Il nous livre son carnet de pensées vagabondes, toujours inspirées...

Vol de nuit vers une île perdue du Pacifique Sud : Suwarrow

…………. Carnet de bord #2 ………..

Comme vous le savez peut-être, nous avons décidé de nous détourner vers la plus septentrionale des îles éparses de l’Archipel de Cook.Si tout va bien, nous la contournerons demain sans stopper nos moteurs électriques car nous avons appris qu’il s’agit d’une île interdite, réserve naturelle instaurée par le gouvernement Néozélandais. Oui, découverte par les anglais elle vogue maintenant sous les couleurs kiwi.

Deux heures du matin, heure locale. La nuit est noire d’encre c’est à peine si l’on pressent l’étrave du navire et l’océan mouvant autour. Un grain de pluie a avalé le vent tout à l’heure et il revient cahin-caha à peine dans la bonne direction. J’hésite à garder dressée la barrière des panneaux arrières, sensée aider à notre propulsion par vent portant. C’est toute une manœuvre : il faut gagner la poupe du navire, ouvrir dans l’atelier le moteur des vérins puis se suspendre à la tirette rouge le temps de les descendre un par un… il y en a deux en fait !

Vol de nuit vers une île éparse du Pacifique ! Entre temps le ciel s’est déchiré et nous voguons de nouveau sous la surveillance bienveillante d’Orion…. J’adore l’idée de ces îles perdues, atolls solitaires de l’immense pacifique où rien ne se passe vraiment à part peut-être les histoires d’amour entre tortues de mer ou paille-en-queue de passage… Entreverrons-nous le gardien, si seulement il y en a un !!!

 

…………. Carnet de bord #3 ………..

Cette nuit grâce à la lune revenue nous avons vogué sur un fleuve d’argent vers une île encore invisible là-bas de l’autre côté de l’horizon. Des oiseaux de mer ombres furtives ont entouré notre vaisseau  dans un vol de bienvenue sur leur atoll perdu. Demain matin si tout va bien nous devrions en apercevoir les pourtours. 

Comme annoncé par les augures oracles satellites l’île est bien apparue sur l’horizon à l’endroit prévu, long pavé de verdure calé sur l’océan. Nous voilà rassurés sur l’exactitude de notre navigation!!! Un couple de frégates curieuses était déjà venues  potron-minet investiguer sur ce nouvel intrus au pont solaire se confondant avec l’indigo de leur mer pacifique.

La rencontre avec cette île perdue tellement isolée de toute civilisation me passionne et m’émeut au plus au point. Cela tombe bien je suis de quart pour trois heures et seul sur la pont supérieur. Je me prends pour James Cook lui-même arpentant excité la dunette de son navire sa fidèle longue-vue à la main afin de scruter les moindres détails de cet atoll mystérieux que je contemple aujourd’hui. 

Que recèle cette terre nouvelle et non cartographiée? Est-elle habitée par les mêmes sauvages aux peintures de guerre gravées sur leurs visages que l’on appelle Maoris. Ou alors déserte de tout humain elle ne sert de refuge qu’aux oiseaux de passage et autres tortues de mer. Y trouvera-t-on de l’eau douce pour alimenter nos cales car depuis plusieurs jours de notre long périple nul grain salvateur n’a inondé nos voiles ! Et peut-être par miracle y aura-t-il des cochons d’Inde pour améliorer notre ordinaire pourri par les charançons ! Puisque c’est ainsi je l’appellerai Suwarrow ! Quelle idée ! Et pourquoi autrement ?

Je sors de mon rêve délicieux car nous approchons et les contours de notre atoll se précisent. Echouée sur la barrière de corail où éclatent les vagues en blanches corolles on aperçoit une épave rouillée de ce qui reste d’un probable cargo en manque d’étoiles pour se diriger. Nos deux frégates ces oiseaux parfaits nous rejoignent et paraissent vouloir nous guider vers l’entrée de la passe. Jean-Marc notre capitaine tente un appel en VHF pour signaler notre passage à un quelconque gardien car sans autorisation officielle nous ne tenterons pas de débarquer. En vain ! Soit le gardien est en train de déjeuner, soit cette île est vraiment déserte. Nous optons pour la deuxième solution même si un expert vol de drone indiscret révèle un bâtiment plutôt en bon état caché au milieu d’une clairière de cocotiers.

Après un arrêt prolongé à quelques encablures du rivage de l’îlot principal, nous remettons en marche nos moteurs électriques ,  presque à regret,  pour cingler vers les îles Samoa notre prochaine escale pacifique.

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