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Cassure de la chaîne ADN, mobilité réduite et forte hausse du taux de mortalité
Fondation - Science 27 février 2020

Les impacts alarmants des micro-plastiques sur les larves et embryons de poissons.

Après 4 années d’études et d’expériences scientifiques menées avec nos partenaires de l’Université de Bordeaux, l’ONIRIS à Nantes et l’EPFL à Lausanne, de nouveaux résultats édifiants issus de l’Odyssée Race for Water 2015 viennent d’être publiés et révèlent la toxicité des microplastiques environnementaux sur les premiers stades de vie des poissons.

Une première mondiale

Suite à des expositions de poissons, à différents stades d’évolution, aux microplastiques, plusieurs effets ont été observés sur leurs développements, leurs comportements de nage et leurs intégrités génétiques. Ces effets pourraient avec le temps entrainer des problèmes sur la croissance, la reproduction et la survie des poissons, allant jusqu’à perturber le renouvellement de leur population.

Lors de ces études, ce sont les échantillons de microplastiques prélevés sur les plages hawaïennes qui se sont révélés être les plus toxiques pour les cellules, les embryons et les larves de poissons. L’effet le plus marquant a été mesuré à 30 jours, où près de 30% des larves sont mortes après avoir été exposées aux microplastiques prélevés sur la plage de Kawa Bay.

C’est la première fois que l’effet des microplastiques prélevés directement dans l’environnement un peu partout dans le monde, est analysé sur différents stades de vie des poissons. Ces résultats continuent d’alerter sur cette catastrophe environnementale qu’est la pollution plastique.

Echantillonnage des microplastiques

L’Odyssée Race for Water en 2015 était une occasion unique pour obtenir en peu de temps des échantillons de microplastiques collectés directement sur différentes plages dans le monde. Ces échantillons ont été préalablement quantifiés, identifiés et catégorisés par l’EFPL (École Polytechnique Fédérale de Lausanne) et font l’objet d’un rapport scientifique déjà publié .

Parmi ces échantillons, 6 ont été exposés à des cellules, des embryons, des larves et des juvéniles de poissons par l’équipe du laboratoire EPOC (Environnement et Paléo environnement Océaniques et Continentaux) de l’Université de Bordeaux.

Ces microplastiques proviennent d’îles sélectionnées et visitées en 2015:
1- Açores (plage de Porto Pim, île de Faial)
2- Bermudes (plage de Somerset Long Bay)
3- Hawaï (plage de Makapu’u, île d’Oahu)
4- Hawaï (plage de Kawa Bay, au sud de la Grande île d’Hawaï)
5- Rapa Nui (plage d’Anakena, île de Pâques)
6- Guam (plage de Pago Bay)

Ces îles n’ont pas été choisies au hasard. Elles sont situées au cœur des océans Atlantique nord et Pacifique nord et sud, des zones où les principaux courants de surface transportent d’importantes quantités de débris. Une bonne partie de ces débris va ainsi venir s’échouer sur les côtes de ces îles. Les débris vont alors se fragmenter en petites particules, inférieures à 5mm, c’est ce que l’on appelle des microplastiques (MPs).

Focus sur les principaux résultats des 3 études

Etude N°1 : Effets sur les cellules de poissons exposées à des extraits de microplastiques 

Les micropolluants organiques présents à la surface des microplastiques ont été extraits dans un solvant organique. Sur les six extraits de microplastiques testés, quatre échantillons ont entrainé des dommages sur l’ADN des cellules de poisson. L’effet le plus significatif concerne les cellules de poissons exposées aux microplastiques de Kawa Bay à Hawaï, qui ont subi plus de 30% de cassures de leur ADN en comparaison avec les cellules non exposées. Cette toxicité sur l’ADN, appelée génotoxicité, pourrait être due à la présence d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) mesurés sur les particules plastiques provenant de cette même plage à Hawaï. Ces hydrocarbures sont des polluants connus pour entrainer des dommages sur l’ADN des organismes. Ainsi, les cellules de poisson se sont révélées être de bons outils pour mesurer la toxicité des polluants présents à la surface des particules de microplastiques.

Résultats constatés :
30% de cassure de la chaine ADN des cellules de poissons.

Etude des cellules de poisson – Pauline Pannetier et sa collaboratrice – Université de Bordeaux ©Peter Charaf
……


Etude N°2 : Effets sur les embryons et les jeunes larves de poissons exposés à des extraits de microplastiques 

Chez les embryons de poisson exposés aux mêmes extraits de microplastiques de Kawa Bay à Hawaï, une diminution de près de 10% de leur taux d’éclosion a été observée (91,5% en comparaison aux embryons non exposés à 100%). En revanche, aucun dommage à l’ADN n’a été mesuré chez les embryons exposés aux différents échantillons de microplastiques. Cette absence de toxicité sur l’ADN pourrait s’expliquer par la capacité de leur membrane embryonnaire (chorion) à les protéger des polluants extérieurs.

Pour certaines jeunes larves exposées aux microplastiques de Kawa Bay (Hawaï) mais aussi à ceux de Pago Bay (Guam), leur mobilité et leur vitesse de nage ont été significativement affectés. D’après Pauline Pannetier, principal auteur des 3 études : « Ces modifications du comportement de nage peuvent avoir dans la nature un impact significatif sur la survie des poissons. Un poisson sera par exemple plus vulnérable face à un prédateur si sa vitesse de nage est diminuée. Cet affaiblissement peut réduire sa capacité à se nourrir et avec le temps perturber sa croissance. »

Résultats constatés :
un taux de mortalité augmenté de 10% chez les embryons exposés et une diminution de la mobilité des jeunes larves.
Embryons de poisson entourés de leurs chorions ©Pauline Pannetier

……

Etude N°3 :  Effets sur les larves et juvéniles de poissons exposés à des particules de microplastiques 

L’effet le plus marquant de cette étude a été mesuré après 30 jours d’exposition, où près de 30% des larves de poisson nourries avec des aliments contaminés par les microplastiques de Kawa Bay (Hawaï) sont mortes (27,8% ± 3,9% comparés aux larves non contaminées). 

Toutes les larves de poissons ont été nourries avec un mélange de microplastiques et de nourriture. Des images prises avec un microscope biphotonique ont confirmé que ces larves ingèrent les microplastiques en même temps que leur nourriture. Sur l’image ci-dessous les microplastiques apparaissent en fluorescence bleu et la nourriture en fluorescence jaune dans le tube digestif de la larve.

Par ailleurs, les larves de poisson nourries aux microplastiques de l’île de Guam et de l’île de Pâques ont vu leur vitesse de nage significativement diminuée et leurs défenses immunitaires amoindries. Enfin, pour les juvéniles de poissons nourris aux microplastiques de Rapa Nui durant 2 mois, aucune mortalité ni d’effet sur la taille n’a été observé mais des lésions de l’ADN ont été identifiées.

Résultats constatés :
un taux de mortalité accru de 30% chez les larves de poissons nourries par des microplastiques. 
Images prisent par microscope biphotonique d’une larve de poisson ayant été exposé aux microplastiques
©APEX UMR703 PAnTher

Larves de poissons exposés à des particules de plastique
© Race for Water / Peter Charaf

Conclusion

L’ensemble de ces résultats met en lumière le fait que les premiers stades de vie des poissons sont très vulnérables face à la pollution en général et la pollution plastique en particulier. Ces jeunes poissons semblent avoir plus de difficultés pour faire face au cocktail de polluants fixés sur les microplastiques retrouvés dans l’environnement.

Si la majorité des études d’impact des microplastiques sur la faune et la flore marine est réalisée à partir de microplastiques issus directement de l’industrie du plastique, les études de nos partenaires scientifiques confirment que les microplastiques environnementaux sont plus toxiques que les microplastiques industriels, qui n’ont pas voyagé dans les océans. Ce qui rend toxiques ces microplastiques voyageurs, c’est notamment le fait qu’ils sont de véritables éponges à polluants (métaux, polluants organiques persistants, etc.). D’autres raisons peuvent expliquer cette toxicité des microplastiques environnementaux comme leurs caractéristiques physiques (type, taille, forme…) et chimiques (présence d’additifs …), leur vieillissement dans le milieu naturel ou encore la colonisation de minuscules organismes venus s’y fixer. 

Il apparait donc important de considérer les différents effets observés de ces microplastiques environnementaux sur l’intégrité de l’ADN, la croissance, les capacités de défense immunitaire et le comportement de nage de ces jeunes poissons à un stade peu avancé de leur développement. D’autres études sont nécessaires pour approfondir nos connaissances sur l’impact de ces microplastiques chez les organismes aquatiques mais aussi sur la santé humaine.

Pour en savoir plus sur ces trois études :

ACCÈS AUX RÉSUMÉS LIBRE

Pannetier P., Cachot J., Clérandeau C., Faure F., Van Arkel K., de Alencastro L. F., Levasseur C., Sciacca F., Bourgeois J.-P., Morin B., 2019. Toxicity assessment of pollutants sorbed on environmental sample microplastics collected on beaches: Part I-adverse effects on fish cell line. Environmental Pollution Volume 248, May 2019, Pages 1088-1097. https://doi.org/10.1016/j.envpol.2018.12.091

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749118331786?dgcid=raven_sd_via_email 

Pannetier P., Clérandeau C., Laurent J., Chapelle C., Morin B., Cachot J., 2019. Toxicity assessment of pollutants sorbed on environmental microplastics collected on beaches. Part II-adverse effects on Japanese medaka first life stage. Environmental Pollution. Volume 248, May 2019, Pages 1098-1107.  https://doi.org/ 10.1016/j.envpol.2018.10.129

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0269749118331658?dgcid=raven_sd_via_email 

ACCÈS À L’ETUDE LIBRE 

Pannetier P., Morin B., Le Bihannic F., Dubreil L., Clérandeau C., Chouvelon F., Van Arkel K., Danion M., Cachot J., 2020. Environmental samples of microplastics induce significant toxci effects in fish larvae. Environment International. Volume 134, Pages 105047. 

https://doi.org/10.1016/j.envint.2019.105047 

https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412019306026?via%3Dihub 

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